Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice
sociale ?
Les
pouvoirs publics (l’Etat, les collectivités locales et les administrations
sociales) mènent des politiques visant à réduire les inégalités (= répartition
non-uniforme d’une ressource socialement valorisée).
Pourquoi les pouvoirs
publics mènent-ils des politiques qui visent à réduire les inégalités ?
Comment font-ils pour essayer de les réduire ? Quels sont les effets qui
résultent de ces politiques ?
I/ Les fondements des politiques de réduction des inégalités
Si
les pouvoirs publics mènent des politiques de réduction des inégalités dans un
pays comme le nôtre, c’est au nom d’une certaine conception de la justice
sociale. Les pouvoirs publics affrontent ces inégalités car ils considèrent qu’elles
sont injustes.
Justice sociale : ensemble des principes qui dans une
société donnée à une époque donnée définissent ce qui est considéré comme juste
dans la répartition des ressources socialement valorisées.
Les
pouvoirs publics reposent leur justice sociale sur trois principes qui
guident leur action :
-
L’égalité
des droits
-
L’égalité
des situations
-
L’égalité
des chances
La
justice sociale c’est toujours la réponse à la question « égalité de
quoi ? »
A) L’égalité des droits
Les
pouvoirs publics veulent faire en sorte que les gens aient les mêmes droits.
C’est un héritage de 1789 avec la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen et l’abolition des privilèges.
Cependant,
l’égalité des droits n’est pas l’abolition des hiérarchies sociales.
L’abolition
de la ségrégation aux Etats-Unis s’est faite sur le droit de tous, le mariage
homosexuel et le droit de vote des femmes également.
B) L’égalité des situations /
positions sociales / conditions / places
On
considère comme injuste les écarts de richesses, en premier lieu des revenus.
Quand elles sont trop importantes. Cette conception de la justice d’avantage
européenne qu’américaine. C’est un héritage de la lutte des classes en Europe.
La
mise en place d’un impôt progressif, la mise en place d’un salaire minimum, les
formes de redistributions permettent d’endiguer l’inégalité des situations.
C) L’égalité des chances
L’accès
d’un individu à une position sociale donnée ne doit pas dépendre de son origine
sociale. L’objectif est que l’individu doit sa position sociale à son travail.
Cela vient de l’article 1 de la déclaration des droits de l’homme. La tradition
républicaine avec la méritocratie scolaire est très présente en France. La
tradition américaine avec le « self made man » également.
-
Des
politiques d’éducation prioritaire sont mises en place (ZEP).
-
Des
services publics scolaires existent également.
Les
tables de mobilités permettent de confronter cet objectif à ces résultats. (Cf.
Chap 5)
II/ Les instruments des politiques de réduction des inégalités
4
grands moyens :
-
La
fiscalité
-
La
protection sociale
-
Les services
collectifs
-
La
discrimination positive
A)
La fiscalité
Cela
désigne les impôts. Ils sont susceptibles de réduire les inégalités de
situation. Il y a trois types d’impôts :
-
Forfaitaire :
la redevance télé…On prélève la même somme à tous les individus quel que soit
leurs revenus.
-
Proportionnel :
on applique le même taux d’imposition à tous les ménages quel que soit leur
revenus. (ex : la TVA)
-
Progressif :
le taux d’imposition augmente avec les revenus. Plus on est riche, plus le taux
d’imposition auquel on est soumis augmente.
Quels sont les effets
de chacun de ces trois types d’impôts sur les inégalités de richesse ?
|
Ménage A
|
Ménage B
|
|
|
Revenus avant impôt
|
1000
|
10
000
|
|
Impôt forfaitaire
100
revenus disponible
|
100
|
100
|
|
900
|
9900
|
|
|
Impôt proportionnel 10%
Revenus disponible
|
10%
100
|
10%
1000
|
|
900
|
9000
|
|
|
Impôt progressif
5% à 15%
Revenus disponible
|
5
%
50
950
|
15%
1500
8500
|
Le
seul impôt qui réussit à réduire les écarts sont les impôts progressifs.
L’impôt forfaitaire les aggrave et l’impôt proportionnel n’a pas d’effets.
L’impôt sur le revenu a un effet de réduction des inégalités.
Cependant, de très nombreuses niches fiscales existent en France. Ainsi, l’impôt sur le revenu de l’est pas tant que ça.
Cependant, de très nombreuses niches fiscales existent en France. Ainsi, l’impôt sur le revenu de l’est pas tant que ça.
L’impôt
proportionnel aggrave les revenus quand même car les ménages pauvres consomment
la totalité de leurs revenus alors que les ménages riches peuvent épargner.
L’impôt
progressif accroit les inégalités de situation. Il a été l’un des facteurs
principaux des réductions de inégalités au long du XXème.
B)
La protection sociale
1. Un mécanisme de redistribution
C’est
un dispositif qui permet de financer des prestations sociales afin de protéger
les individus contre un ensemble de risques sociaux :
-
Perte
de revenus (chômage, vieillesse, maladie…).
-
Elévation
des dépenses (naissance, soins
Risque social :
désigne toute situation d’insuffisance des revenus.
Les
prestations sociales sont :
-
Des
revenus de remplacement (assurance chômage, pension de retraite, RSA, AAH…)
-
Aides
aux dépenses (assurance-maladie, allocations familiales)
Les
prestations sociales sont financées par les prélèvements obligatoires
(cotisations sociales ou impôts) des ménages et des entreprises. C’est un
mécanisme de redistribution. Les pouvoirs publics opèrent un transfert
de richesse d’une partie de la population à l’autre.
Ex : L’assurance maladie redistribue les
richesses des individus en bonne santé à ceux qui sont malades pour éviter le
creusement des inégalités.
Cela
vise à réduire les inégalités de situation.
2. Deux modalités de protection
sociale : l’assurance et l’assistance
|
Risque social
|
Assurance
|
Assistance
|
|
chômage
|
Assurance-chômage (proportionnelle au
salira antérieur)
|
RSA (≈ 500€)
|
|
Vieillesse
|
Pension de retraite (proportionnelle au
salaire antérieur)
|
Minimum vieillesse
(≈ 500€)
|
|
Maladie / Soins
|
Assurance-maladie (remboursement
partiel des soins)
|
CMU (remboursement partiel des soins)
|
|
|
|
|
La
différence vient du mode de financement et des conditions d’accès :
-
Pour
l’assurance : elles sont financées par les cotisations sociales. Seuls
ceux qui y ont cotisés y ont droit. Il s’agit d’une protection sociale fournit
aux travailleurs.
-
Pour
l’assistance : elles sont financées par les impôts et sont conditionnées
aux revenus. Elles sont versées aux individus qui ont des revenus faibles.
Historiquement,
l’assistance est arrivée pour compléter l’assurance, pour ceux qui ne sont plus
couvert par celle-ci.
Aux
USA, le système social est basé sur l’assistance mais est faible, on parle de
prestations résiduelles.
En
Suède, le niveau de prestation est également basé sur l’assistance mais est
élevé.
En
France, la logique d’assurance domine, on parle de modèle continentale ou
corporatiste.
Ces
deux dispositifs n’ont pas les mêmes effets redistributifs. Les prestations
sociales par assurance ne réduit pas les inégalités de revenus.
Il
y a un transfert de revenus à d’autres mais sans diminuer les inégalités :
on parle de redistribution horizontale.
Seules
les prestations d’assistance, puisqu’elles sont données aux pauvres, réduisent
les inégalités : on parle de redistribution verticale.
C)
Les services collectifs
Ce
sont des services non-marchand fournis directement (ex : l’école, les
soins…) ou indirectement (ex : les routes, l’éclairage…) par les pouvoirs
publics.
Cela
a pour but de faire en sorte que l’accès à des services jugés fondamentaux ne
dépend pas du niveau de revenus. Ces services collectifs visent à réduire
l’inégalité des chances pour l’école mais plus globalement de réduire les
inégalités des situations de deux manières : d’une part parce qu’ils sont
accessible à tous et d’autre part parce qu’ils sont financés par l’impôt.
En
France en moyenne, un élève coûte 8300€ par an. Accès inégal en fonction de l’origine social +
coût croissant pour l’Etat en fonction du niveau d’études = inégalité pour les
ouvriers. => débat pour rendre l’école payante.
D)
La discrimination positive
C’est
une politique qui accorde un avantage politique à un groupe social
particulièrement désavantagé. Elle cherche à corriger la sous-représentation de
certains groupes sociaux.
Sous-représentation :
situation où le poids statistique observé d’un groupe social est inférieur à
son poids statistique attendu dans la population générale. Elle s’accompagne
nécessairement de la surreprésentation d’un autre. (Ex : les femmes qui
représentent 50% de la population représentent seulement 27% à l’assemblée générale,
les ouvriers représentent plus de 20% de la population active mais leurs
enfants ne représentent que 11% des étudiants en université et 6% en prépa, les
cadres représentent 15% de la population active et leurs enfants représentent
30% des étudiants en université et 50% en classe prépa).
Ce
phénomène des sous-représentations est un symptôme des inégalités des chances.
Face à cela les pouvoirs publics mettent des mesures de compensation en
accordant un avantage spécifique aux groupes sous-représentés. (Ex : l’éducation
prioritaire = on accorde plus de moyens scolaires aux établissements scolaires
de certains territoires particulièrement défavorisés, les lois sur la parité =
les partis politiques doivent présenter 50% de femmes. Il y a des contraintes
comme les lois ou par l’incitation en échange de sanctions financières).
Aux
Etats-Unis, des quotas ont été instaurés dans les établissements universitaires
pour des places réservées aux minorités ethniques.
Bilan :
Il y a 4 types de politiques de réduction des inégalités :
-
La
fiscalité redistributive qui est menée au nom des inégalités de situations
-
La
protection sociale qui vise à réduire les inégalités de situation
-
Les
services collectifs comme l’école visent à réduire les inégalités de chances et
de situations
-
La
discrimination positive vise à réduire l’inégalité des chances
L’Etat-Providence au sens strict est un synonyme de
protection sociale. Cependant, d’autres auteurs incluent dans ce terme la
fiscalité redistributive et les services collectifs. Il a pour but de réduire
les inégalités des situations par la redistribution.
III/ Les effets des politiques de réduction des inégalités
A) Une efficacité variable
selon les dispositifs
La
fiscalité progressive a-t-elle atteint son objectif ?
-
Elle a eu un effet de réduction des inégalités
de revenus dans les pays où elle a été instaurée. Tout au long du XXème
jusqu’aux années 80’, on observe cette réduction. Cependant, selon Piketty, il
y a d’autres facteurs que l’impôt progressif.
-
La
guerre a détruit du capital donc de patrimoine pour ceux qui en possédaient,
c’est-à-dire les plus aisés. Donc il y a eu une réduction des inégalités. L’inflation
également a diminué les revenus des rentiers.
-
Cependant,
dans la période récente, il y a une inversion des tendances. Cela est dû
notamment à une diminution des impôts. Depuis les années 90’, les Etats tendent
à diminuer les impôts sur le revenu. C’est la concurrence fiscale qui vise à
rendre le territoire attractif pour attirer les entreprises étrangères comme
l’Irlande ou le Luxembourg.
La
protection sociale ?
-
La
protection sociale des retraités. Ils sont bien mieux protégés maintenant
qu’avant. Le niveau de vie moyen des retraités est d’un peu près 1800€ par
individus.
-
La
baisse du taux de pauvreté a continuellement diminué à mesure que s’étendaient
les dispositifs de protection sociale. Aujourd’hui encore il diminue pour
atteindre 14% de la population. Il y a corrélation entre niveau de protection
sociale d’un pays et inégalités.
-
Cependant,
le taux de pauvreté a cessé de baisser à partir des années 80’, et il a
tendance, sous l’effet de la crise, à raugmenter. Tous les groupes sociaux ne
sont pas également protégés. Les jeunes et les femmes sont moins bien protégés
que la moyenne. Par exemple, les pensions de retraite des femmes sont moins
élevées que celles des hommes.
Les
services collectifs ?
-
Ils
ont permis la démocratisation de la scolarité. Cependant, elle n’a pas annulée
les chances de réussite scolaire en fonction du groupe social d’origine.
La
discrimination positive ?
-
Quand
elles sont obligatoires, cela est efficace. Cependant, quand elles sont
incitatives, cela est moins efficace. Les partis préfèrent payer des sanctions
financières (Ex : assemblée nationale = 27% de femmes, parlement européen
= 50% de femmes).
B) Des effets pervers ?
1. Désincitation au travail ?
C’est
la protection sociale qui est visée. Elle est accusée d’avoir un effet
désincitatif du travail. Il y a un risque de trappe à pauvreté/à inactivité.
Certaines prestations sociales sont plus rémunératrices qu’un emploi.
(Ex : Le RMI est à peine moins rémunérateur qu’un emploi à mi-temps). Le
problème c’est que ce choix complètement rationnel de préférer ne pas
travailler va bloquer, à long terme, l’évolution de leurs revenus.
Empiriquement,
il n’y a pas d’effets désincitatifs de la protection sociale. S’il existait un
effet désincitatif du RSA, on observerait un taux d’emploi inférieur chez les
plus de 25 ans. Or, ce n’est pas le cas. Cependant, on observe une légère
différence pour les jeunes les moins qualifiés. On observe également des
individus qui ne demandent pas la protection sociale à laquelle ils ont droit.
De plus, des individus reprennent des emplois malgré une perte de leurs revenus
pour s’intégrer.
2. Un facteur de chômage
-
(Cf.
Chap1) Elle désincite au travail.
-
Elle
alourdit le coût du travail car elle est financée par les prélèvements
obligatoires notamment les cotisations patronales.
Certes,
on a observé une certaine corrélation en le chômage et les cotisations
patronales.
-
Cependant,
dans certains pays par exemple, le coût du travail est élevé mais le taux de
chômage est bas car la compétitivité des entreprises ne dépend pas que de ça.
Elles jouent aussi sur la compétitivité hors-prix.
-
Attention,
la protection sociale soutient la demande.
-
Il y
a d’autres facteurs de chômage (keynésien, structurel…)
3. Des difficultés de financement
Les
prestations sociales dans leur ensemble font des dépenses importantes. Les
politiques de réduction des inégalités se heurtent aujourd’hui à des
difficultés de financement. Les dépenses publiques sont supérieures aux
recettes fiscales. C’est une situation de déficit public. Les dépenses
publiques ont augmenté plus vite que les recettes fiscales.
-
Le
chômage a fait augmenter les dépenses comme l’assurance chômage ou encore le
RSA et diminuer les cotisations sociales patronales donc moins de recettes.
-
La population
est vieillissante donc les dépenses de pensions de retraite et les soins
augmentent.
-
La
démocratisation scolaire
-
La
concurrence fiscale a fait diminuer le taux d’imposition et donc les recettes
fiscales.
Le
chômage est un fléau collectif car il fragilise les comptes publics des deux
côtés : il diminue les recettes et augmente les dépenses.
Le
déficit public alourdit la dette publique. Au 4ème trimestre 2013,
le déficit public de l’ensemble des pouvoirs publics représentait 4,1% du PIB.
La dette des administrations publiques représentait 91% du PIB.
CONCLUSION :
-
Principes
de justice sociale « égalité de quoi ? » = droit, situation,
chances
-
Les
instruments des politiques de réduction des inégalités
|
Instrument
|
Objectif
|
|
- protections
sociale
-services
collectifs
-discrimination
positive
|
-égalité
des situations
-
égalités des situations
-
égalité des situation/chances
-
égalités des chances
|
Redistribution
=
Etat-Providence
-
Logique
d’assurance/ d’assistance (ou solidarité)
-
Ce
qui relève de l’efficacité et des limites de ces politiques :
·
Objectifs
atteints
·
Les
inégalités persistantes
·
Risques
d’effets pervers
·
Difficultés
financières
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