Chapitre 8 : La conflictualité
sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement
social ?
Introduction :
Les
révolutions, la lutte des classes (Marx), mai 1968, les mouvements de grèves,
grève de la fin des sans-papiers, blocus lycéen, des manifestations contre une
réforme des retraites…ce sont des conflits sociaux étudiés dans ce chapitre
(pas de conflit individuel).
Conflit social : situation où les individus
affrontent collectivement les institutions ou les groupes sociaux qu’ils
considèrent comme responsables d’une injustice.
-
Comment saisir la diversité et les mutations des
groupes sociaux dans le temps ?
-
Faut-il voir dans les conflits sociaux une
pathologie de l’intégration/une déstructuration de la société, ou au contraire
un facteur de cohésion social ?
-
Dans quelle mesure et de quelle manière les
conflits sociaux contribuent-ils au changement social ? Ce peut-il qu’au
contraire il le freine ?
I/Quels mutations les conflits sociaux ont-ils
connu ?
A.
La diversité des conflits sociaux
Les
conflits sociaux sont très divers. Comment en rendre compte ? :
-
la
diversité des groupes mobilisés : mobilisé c’est agir collectivement.
À certains moment de l’histoire les groupes sociaux qui se sont mobilisés sont
extrêmement divers : étudiants, ouvriers, parfois ensemble (mai 1968), les
femmes (années 1970), les enseignants, les chauffeurs de taxi, les infirmières,
les groupes hostiles à l’homosexualité, les catholiques, les sans-papiers, les
malades du sida, etc.
-
la
diversité des enjeux/objets : ces deux termes désignent ce sur quoi
porte le conflit. Les conflits du travail d’un côté, et le reste de l’autre. Les
conflits du travail son des conflits qui ont l’emploi en jeu : salaires,
âge de la retraite => droits sociaux accordés au travail, licenciements,
temps de travail, etc. Il y a d’autres enjeux que le travail :
environnement, droits de la famille et mariage pour tous, droits de l’Homme,
égalité entre hommes et femmes, égalité entre « blancs » et
« noirs », etc.
-
La
diversité des formes et techniques de protestations/ répertoires
d’action : grèves, émeutes, pétitions, boycott, immolation, blocus,
manifestation, die in, sit in, action médiatique, etc.
-
La
diversité des formes d’organisation : les mobilisations peuvent être
plus ou moins organisées : organisation plus ou moins informelle d’une
émeute, à une manifestation bien organisée. Les organisations qui interviennent
dans les conflits sociaux peuvent être les syndicats, les ONG, les
coordinations (collectifs temporaires).
B.
Les mutations des conflits sociaux
On
va distinguer les mutations de long terme, des mutations de court terme
(Charles Tilly).
1)
Les conflits sociaux ont connu des transformations sur le long terme :
Jacqueries
Paysannes : elles sont fréquentent et porte souvent sur le prix du pain,
le montant des impôts (XVIIIe siècle). Sur le long terme on peut repérer quatre
grandes mutations des conflits sociaux :
-
Une
transformation du répertoire de l’action collective : (Charles Tilly)
c’est l’ensemble des moyens utilisés par les groupes sociaux mobilisés pour
protester. On est passé de l’émeute locale peu organisée, à des formes
d’actions régulées (manifestations, grèves) nationales, simultanées dans
plusieurs villes et organisées. Tilly met ça en rapport avec deux grandes
transformations sociales : urbanisation et rôle croissant de l’État.
-
Une
légitimation progressive : un droit à la contestation a été
progressivement reconnu. 1789 : droit de résistance à l’oppression.
1864 : le droit de grève. 1884 : les syndicats sont autorisés.
1901 : reconnaissance d’un droit d’association. 1946 : le droit de
grève devient constitutionnel (dans le préambule de la constitution). La
contestation, la protestation collective devient légitime et fait désormais
pleinement parti du répertoire collectif avec le vote.
-
Une
institutionnalisation des conflits sociaux : progressivement la mise
en place d’institutions ou de procédures ayant pour effet de réguler les
conflits sociaux. La pleine reconnaissance d’interlocuteurs organisés
(reconnaissance légal des syndicats en 1884 : loi Waldeck-Rousseau).
L’État institue des négociations entre groupes sociaux susceptibles d’entrer en
conflits (ex : entreprises et salariés). L’institutionnalisation concerne
les conflits du travail.
-
Une
pacification relative des conflits sociaux : sur le long terme la
violence dans les manifestations a diminué. (Filleule/ Tartakowsky) Les actions
violentes contre les biens ou personnes arrivent mais sont très rares (moins de
5%) dans les manifestations contemporaines. Cela contraste avec les Jacqueries
du XVIIIe siècle par exemple. Trois explications : la transformation des
répertoires => mobilisations de plus en plus organisées ; transformation
des techniques de maintient de l’ordre => on est passé de techniques proches
des techniques de guerre, à des techniques de mise à distance (gaz). La
violence n’a pas disparu des conflits sociaux ; le nombre de décès des
manifestants n’a pas évolué : 1872/1914 : 51 morts en 42 ans ;
1919/1989 : 118 morts en 70 ans.
2)
Les mutations récentes :
(Touraine/Inglehart)
Thèse des nouveaux mouvements sociaux : nous aurions connu une
transformations des mouvements sociaux à partir du milieu de années 1970.
Reflux des conflits du travail, essor de nouveaux mouvements sociaux (NMS).
Nouveaux mouvements sociaux = nouveaux types de mobilisations collectives.
Nouveau
parce qu’ils ont un autre enjeu que le travail (ex : mouvements féministes
et écologistes). Un autre répertoire que la grève : manifestations,
pétitions, coups d’éclat médiatiques. D’autres groupes sociaux que des groupes
professionnels. D’autres types d’organisations que les syndicats ; des
organisations plus souples. Les syndicats sont progressivement devenus des
organisations massives et très organisées ; ils se sont démocratisés. Dans
les années 1970 les conflits sociaux prennent d’autres formes : souvent
des collectifs moins hiérarchisés que les syndicats et souvent
temporaires : associations, coordination. Un engagement plus
intermittent : dans le mouvement ouvrier on s’engage jeune et on s’engage
pour la vie. On se syndique à 18 ou à 20 ans, c’est le résultat d’une
socialisation familiale ou professionnel et on reste fidèle à son syndicat. Les
nouvelles formes d’engagement sont moins durables.
Certes :
il y a diversité des conflits sociaux ; recul du recours à la grève.
Affaiblissement des organisations syndicales. Augmentation du chômage : accroît
la peur de se mobiliser. Essor des emplois précaires.
Mais :
Le travail reste le premier motif de manifestation en France.
II.
Les conflits sociaux sont-ils un moment de rupture du lien social ?
Les
conflits sociaux sont-ils le résultat d’une rupture du lien social ? D’un
affaiblissement de la cohésion sociale ? De l’intégration sociale ?
Les
conflits sociaux ont-ils pour effet une rupture du lien social ?
A.
la fragilisation du lien social, facteur de conflit ?
1)
Les théories traditionnelles :
Les
premières théories qui cherchent à expliquer les conflits sociaux considèrent
qu’ils sont une pathologie de l’intégration :


Pour
Durkheim, les conflits sociaux proviennent d’un mauvais fonctionnement des
instances qui assurent la cohésion sociale. Fin XIXe et début XXe :
période durant laquelle les conflits du travail s’intensifient ; mouvement
ouvrier prend de l’ampleur ; intensification des grèves ; parfois
violent (présence de l’armée). Durkheim distingue deux types de lien
social : sociétés traditionnelles = similitude = solidarité
mécanique ; sociétés industrielles = complémentarité = solidarité
organique (division du travail sociale ; DTS). En temps normal, lorsque la
division du travail sociale fonctionne normalement, celle-ci assure la cohésion
sociale. Dans certains cas, la DTS peut prendre des formes pathologiques :
inverse de la santé, d’un état normal. Durkheim accuse la grande industrie
d’être une forme d’activité économique poussant vers le conflit (lutte des
classes).
ð
Division normale du travail = cohésion sociale
ð
Division pathologique du travail : conflit
social
Park,
un sociologue américain du début XXe siècle, à Chicago : croissance, et
forte émigration intérieure, forte urbanisation. Park énonce le fait qu’en cas
de changement social rapide on assiste à une désorganisation sociale ; les
individus ce voit donc alors disponible pour des émeutes, ou des explosions de
violences. Affaiblissement de la cohésion sociale facteur de la cohésion
sociale.
2)
Réfutations empiriques
Contrairement
à ce que pensaient les premiers sociologues, les enquêtes sociologiques
contemporaines montrent que ce sont les groupes les plus intégrés socialement
qui se mobilisent le plus fréquemment. Exemple : les enseignants. À
l’inverse, les groupes sociaux les moins intégrés socialement sont ceux dont la
mobilisation est la plus rare ; les mobilisations de chômeurs sont rares.
Les
conflits sont le résultats de mobilisations ; les mobilisations nécessitent
des capitaux/des ressources : il est plus facile d’apporter du capital
quand on est intégré.
B.
Les conflits sociaux, facteur paradoxal de cohésion sociale
1)
Les conflits peuvent contribuer à la cohésion sociale…
Sociologue
allemand, Georg Simmel/ puis Coser : au delà du désordre temporaire qu’il
crées, les conflits sociaux peuvent être un facteur de cohésion sociale. Les
conflits engendrent des identités sociales (classe en soi/classe pour soi). Les
conflits sociaux renforcent la solidarité interne des groupes mobilisés. Les
conflits amènent les groupes mobilisés à participer à la société. Les conflits
sociaux sont des exutoires des tensions sociales : les conflits sociaux
révèlent des problèmes ; lorsqu’il aboutissent ils permettent la
résolution de ces problèmes ce qui accroît la cohésion sociale (mai 1968).
2)
Lorsqu’ils sont régulés.
a-
Qu’est-ce que la régulation des conflits ?
-
Les conflits sociaux ne contribuent pas toujours
à l’intégration sociale. Il faut donc se demander à quelles conditions les
conflits sociaux jouent-ils le rôle que Simmel et Coser leur donne.
-
Les conflits contribuent à la cohésion sociale à
condition qu’ils soient régulés. Dans le langue courant « réguler »
signifie mettre des règles, organiser, contrôler. La régulation
des conflits c’est l’ensemble des mécanismes sociologiques qui contribuent à
encadrer et à contrôler le
déroulement des conflit sociaux.
-
En
France aujourd’hui les conflits sociaux sont globalement contrôlés (différence
avec la Syrie par exemple). Comment réguler ?
ð Reconnaissance d’un droit à
contester : contribue au caractère pacifiste.
ð
Autolimitation de la violence de la part des
protagonistes des conflits. Du côté de l’État une retenue dans le maintien de
l’ordre ; du côté des manifestants aussi (service d’ordre).
ð
Organisation des
protagonistes (syndicats) : cela permet de canaliser les
mécontentements ; cela permet aussi de fournir à l’adversaire un
interlocuteur avec qui négocier (partenaire).
ð
Procédure de déclanchement des conflits
(ex : préavis de grève déposés par les syndicats au moins 5 jours avant la
grève).
ð
Négociations institutionnalisées : depuis
1982, les entreprises ont l’obligation légale d’organiser chaque années des
négociations avec leurs salariés. Ce sont des négociations sur les point
susceptibles de susciter des conflits.
b-
Le rôle régulateur des syndicats :
Un
syndicat est une organisation dont l’objectif est la défense d’intérêts
professionnels communs. On peut distinguer deux types de syndicats : les
confédérations (représente tous les métiers) et les syndicats sectoriels
(représente des secteurs).
-
Les confédérations : coté salariés =>
CGT ; CFDT ; FO ; CGC ; CFTC / côté employeurs =>
MEDEF ; CGPME ; UPA. Il s’agit d’organisations multisectorielles.
-
Syndicats sectoriels : coté salariés =>
SNES ; FSU…/ côté employeurs => FNAT (taxi). liliaghb
Il y
a un très grand pluralisme syndical en France.
L’origine
du syndicalisme c’est le monde ouvrier. Ils ont pour origine les coalitions
ouvrières, c’est à dire des groupes d’ouvriers qui se rassemblent (dès le
XVIIIe siècle). Il faut attendre 1884 pour que les syndicats deviennent légaux.
Ils deviennent progressivement des institutions très importantes dans les
démocraties occidentales. Ils sont en déclin depuis le milieu des années 1970
en France (voir doc 1) : le taux de syndicalisation s’effondre => il
passe d’un quart de syndiqués en 1970 à moins de 7% de nos jours.
Les
syndicats défendent collectivement et individuellement les salariés, dans les
entreprises et à l’échelle nationale. On peut distinguer 6 modalités de se rôle
de défense.
ð
Par le biais des délégués syndicaux :
représentants des salariés au niveau de l’entreprise : ils ont un rôle
d’information.
ð
En cas de conflit avec l’employeur, les
syndicats défendent les intérêts des salariés.
Ce peut-être une défense individuelle (accompagnement dans un entretien
avec l’employeur) ou collectivement (organisation de protestations :
grèves, manifestations, pétitions…).
ð
Les syndicats servent aussi à négocier. Ils
constituent un interlocuteur avec qui négocier : lorsqu’un conflit éclate,
ou pendant les négociations institutionnalisées. Un syndicat sert à faire la
grève mais aussi à l’interrompre.
ð
Les syndicats sont des acteurs du dialogue
social : entre États, employeurs, et salariés. Conventions
collectives : accords qui règlent les conditions de travail et de
rémunération de l’ensemble des salariés (d’une branche, voire de l’ensemble des
salariés tout court).
ð
Les syndicats gèrent avec les employeurs un
certain nombre d’institutions. Ils gèrent les caisses d’assurance maladie, les
caisses d’assurance chômage, les caisses d’assurance retraites.
Paritarisme : ce gère à deux : syndicats d’employeurs / syndicats de
salariés.
ð
Les syndicats siègent dans les tribunaux
spécifiques qui règlent les conflits du travail : les prud’hommes. Ce sont
des instances qui tranchent les litiges entre salariés et employeurs ;
faute professionnelle ; accusation de discrimination…Les juges de cette
instance proviennent des syndicats (à moitié syndicats d’employeurs, à moitié
syndicats de salariés).
Les
syndicats contribuent à la production du droit du travail. Ce sont des
organisation qui organise les conflits du travail : ils les crées mais les
régulent.
III.
Dans quelles mesures les conflits sociaux contribuent-ils au changement
social ?
On
parle de changement social à propos d’une
transformation significative de la société ; c’est à dire une
transformation de la structure sociale et/ou des institutions d’une société
et/ou des normes et des valeurs (culture) d’une société et/ou des modes de vie.
Dans quelles mesures les conflits sociaux contribuent-ils à ces
changements ?
A/
Les conflits, facteurs de changement social
-
Les conflits sociaux sont parfois déclenchés par
des groupes qui revendiquent des changements sociaux. Lorsque les groupes
mobilisés obtiennent gain de cause cela engendre donc le changement
social :
ð
Instauration de nouveaux droits (DHC ;
avortement ; droit de vote par les suffragettes ; reconnaissance
pénibilité réforme des retraites).
ð
Création de nouvelles institutions (changements
de régimes politiques ; révolution française, printemps arabes).
ð
Transformation de la structure sociale elle-même
(révolution française, force du syndicalisme qui ressert les inégalités
salariales pendant les 30 Glorieuses).
ð
Contribution à la transformation des modes de
vie (mai 68 : transformation de la famille, égalisation des rapports entre
hommes et femmes, assouplissement du style éducatif).
-
Même quand ils ne sont pas victorieux ils sont
facteur de changement social :
ð
Transformations des représentation
sociales : les sans-papiers
ð
Quand un groupe se mobilise il se
transforme : au début c’est un simple agrégat d’individus et deviennent un
groupe avec un sentiment d’appartenance : classe ouvrière.
ð
Des effets sur l’identité sociale de ceux qui se
mobilisent.
Les
mobilisation ont des effets sur l’individu et sur la société quelque soit
l’issue.
B.
Les conflits, frein au changement social ?
-
Ce sont d’abord les groupes mobilisés qui
peuvent faire obstacle au changement social.
ð
Il y a des mobilisations conservatrices ;
des mobilisations dont l’objectif est d’obtenir un empêchement du changement
social, pour empêcher un changement de la société.
Ex : mobilisation contre le
mariage pour tous.
ð
Même dans des groupes sociaux qui revendiquent
un changement social et qui sont conservateur dans leur organisation :
progressiste dans les revendications et conservateurs dans leur organisation.
Ex : le syndicalisme sous représentés des femmes et des
immigrés et son féministe.
-
Les autorités peuvent faire obstacle au
changement social.
ð
Les autorités ne donnent pas satisfaction aux
groupes mobilisés. Ils font obstacle au changement.
ð
Les manifestations tenant satisfaction sons
rares. Elles débouchent sur des petites satisfactions.
ð
L’État peut se servir des conflits sociaux pour
conforter son pouvoir, pour étouffer les autres problèmes.
Ex : Les REDSCARES mobilisation contre les communistes
aux USA, alimenter par le pouvoir/encourager par le pouvoir.
Conclusion :
ð
Diversités et transformations des conflits
sociaux dans le temps ;
ð
Conflit et intégration : est-ce que les
conflit peuvent être considéré comme le symptôme d’une société dont le lien
social serait affaibli ;
ð
De quelle manière les conflits contribuent au
changement ? De quelle manière ls peuvent constituer des freins.
ð
Syndicats.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire